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Auteur : Pierre Grillet
Date de saisie : 15/07/2015
Genre : Biographies, mémoires, correspondances...
Editeur : Stock, Paris, France
Collection : Bleue
Prix : 13.00 €
ISBN : 9782234079953
GENCOD : 9782234079953
Sorti le : 29/04/2015
«Madame rêve, c'était quelqu'un. Fantasque, drôle, kleptomane, dépensière, égoïste, toxicomane, infidèle, belle et gracieuse, bile passait partout et on lui passait tout. Madame rêve, c'était quelqu'un avant d'être une chanson. Je parle d'elle pour la première fois.»
A l'origine de la chanson la plus mythique d'Alain Bashung, il y a un homme. Et un amour impossible. Pierre Grillet raconte cette femme qui lui a inspiré des paroles qu'on connaît malgré soi par coeur : ils se sont aimés, fuis, trahis, ils se sont réconciliés. Ils ont joué avec leurs vies. Natasha a hanté New York, les hôtels de luxe et les hôpitaux psychiatriques. Les amants se sont perdus mais l'amour est resté ; c'est ce qu'on découvre, page à page, dans ce livre envoûtant.
Pierre Grillet est parolier et scénariste ; il est l'auteur de centaines de chansons pour, entre autres, Alain Bashung, Johnny Hallyday, Marc Lavoine, Vanessa Paradis, Feist...
Ce parolier qui a écrit «Madame rêve» pour Bashung raconte Natasha, la femme cachée derrière la chanson...
Longtemps, Pierre Grillet fut un homme de l'ombre. Un homme de l'ombre assez heureux de l'être, que la publication d'un livre, Madame rêve, vient éclairer...
adame rêve. Une chanson entêtante et toujours au présent, il suffit de l'évoquer pour l'entendre, et que Bashung, faut-il le rappeler, incarna. Pierre Grillet est doué pour les rêves. «Je ne me suis pas réveillé un matin en me disant que j'allais écrire une chanson», dit-il pour expliquer qu'elle n'est ni une idée ni un concept, mais «toute sa vie». Madame rêve, donc, est une femme, Natasha, fuyante comme de l'eau entre les doigts, à l'arrière-fond de sa mémoire...
Enregistrée en 1991 sur un texte de Pierre Grillet écrit dix ans plus tôt, Madame rêve est l'une des réussites les plus fameuses d'Alain Bashung...
Les fanatiques en sont nombreux. C'est l'un d'eux, philosophe et ami de l'auteur, qui l'a incité à en raconter l'histoire, de sa naissance dans une chambre d'hôtel à l'amitié intimidée avec Alain Bashung, en passant par les conséquences que seule cette chanson, parmi la centaine qu'il a écrites, a eu le pouvoir de provoquer dans son existence...
Aussi libre que pudique, le récit n'a pas d'autre prétention que de prolonger la chanson. Il est d'autant plus bref qu'il est écrit à la pointe sèche, d'un trait ombré, avec une précision qui est le propre de l'art des ritournelles...
D'être également le récit d'un deuil (de cette femme ? de l'amour comme attachement et comme libération ?), le livre est aussi sec et salé que la chanson est humide et poivrée. Il se lit d'une traite, doublé d'une réflexion sur l'art d'écrire, cette chance, qui toujours permet de rebondir sur la page.
Dans la vie, j'ai deux passeports. Le second est une chanson.
Madame rêve, c'était quelqu'un. Fantasque, drôle, kleptomane, dépensière, égoïste, toxicomane, infidèle, belle et gracieuse. Elle passait partout et on lui passait tout. Madame rêve, c'était quelqu'un avant d'être une chanson. Je parle d'elle pour la première fois.
J'ai de la chance. Je suis gâté. Jamais auparavant je n'aurais osé le formuler aussi simplement. J'ai la chance de pouvoir écrire. Nulle autre chance que celle-là. À mes yeux ce n'est pas un don, mais une faculté. Une faculté de traducteur. Comment font les gens qui ne peuvent rien faire de leur chagrin, qui ne peuvent rien faire de leur vie, aussi belle soit-elle, à part la vivre ? Je les plains, sincèrement. Ils ne peuvent que crier quand ils souffrent ou quand ils aiment. «Toi tu écris, tu t'en tires toujours !» Quelqu'un m'a dit ça un jour. C'est vrai. Cela m'a sauvé et cela me sauve. On peut bien tout partager, le pire et le meilleur à deux, celui qui repart avec la chanson, c'est moi.
C'est injuste ? Je ne sais pas. À ma décharge je dirai que je ne recule devant rien pour qu'arrivent les phrases. Vampire peut-être. J'admets qu'au fond du trou je prends des notes.
Bashung m'intimidait. Je l'ai appelé Alain plus tard. J'étais intimidé avant de le connaître, pendant, et aussi après. «Passe-moi des textes, je les donnerai à Alain.» Cette phrase, il a fallu me la répéter plusieurs fois. C'est une erreur de croire que les batteurs sont violents, Philippe Draï est doux et il a insisté gentiment : «On est en tournée, c'est le moment, il réfléchit à après.» Philippe a plus confiance en moi que moi-même. Pour finir je trie, je coupe et je fais passer mes bouts. Quatre feuillets.
Ce que je sais d'Alain Bashung ? Très peu. Il vit place de la République pas loin de chez moi et ce n'est pas le genre de mec qui t'ouvre les bras, trop pudique. J'aime ses chansons qui tranchent sur le reste et j'aime ce phrasé si particulier qui donnerait, il me semble, à n'importe qui l'envie d'écrire pour lui. Boris Bergman, son seul auteur jusqu'ici, force l'admiration. Il lui sert des mots nouveaux, des combinaisons qui réveillent. De loin on a l'impression que ces deux-là ne se quitteront jamais.
Je sais également, je me renseigne entretemps, que son exigence le pousse à ne jamais se répéter. C'est-à-dire ne jamais employer le même adjectif ou le même mot dans deux chansons, même à des années d'intervalle. «Elle vendait des arrosoirs, il fallait l'arroser tous les soirs.» C'était une phrase parmi mes notes. Il m'a dit tout de suite avec un léger regret : «Tu vois j'aime bien, mais l'arrosoir je m'en suis déjà servi.»
Si un chemin lui apporte le succès, il bifurque aussitôt et en cherche un autre. Mais qu'est-ce qu'il cherche ? J'attends qu'il m'appelle pour me dire s'il a trouvé une piste dans ma trousse. À l'aune de son intransigeance, je me sens loin du compte.