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Auteur : Sean James Rose
Date de saisie : 01/04/2017
Genre : Romans et nouvelles - français
Editeur : Actes Sud, Arles, France
Prix : 16.90 €
ISBN : 9782330072711
GENCOD : 9782330072711
Sorti le : 04/01/2017
Cherchez la femme ! et vous trouverez le regret.
Thibaut est l'ami parfait, celui des affinités électives et des soirées de confidences. Pourtant, ou peut-être à cause de cela, le narrateur tombe amoureux de sa fiancée. Tout cela ne pourrait être qu'un mauvais vaudeville, mais les deux amants aiment tous les deux sincèrement Thibaut ; et c'est la fuite... jusqu'au retour en France bien des années après.
Un roman tout en finesse sur le lien fraternel qui peut unir deux êtres et les marquer à jamais.
Le narrateur se remémore sa jeunesse et ses années d'étudiant, son histoire d'amitié avec Thibault, puis son histoire d'amour avec Camille, fiancée à Thibault... L'intrigue habilement construite nous plonge dans le trouble du narrateur, pris entre passion et remords, amour et amitié, et la complexité de son histoire familiale et de sa double culture franco-asiatique. Sean Rose nous transporte, et on est en totale empathie avec les trois personnages de ce triangle amoureux. L'écriture est élégante, les sentiments subtils, l'histoire est prenante et envoûtante. Un roman intense et magnétique !
Vingt ans après un rendez-vous manqué, un homme s'apprête à retrouver l'ami qu'il a trahi et qu'il n'a pas revu depuis. Du temps de leurs études à Paris, Thibaut et lui ont tout partagé, y compris une passion pour Camille, promise au premier. Au milieu des vignes du domaine familial de Thibaut, attendant de le revoir enfin, le narrateur est assailli de souvenirs aussi réels que la brume qui se lève, le vent sur la joue, la lumière dans les arbres. Pour ce solitaire exilé du royaume de K., petit pays du Sud-Est asiatique, Thibaut incarnait la sérénité bienveillante et joyeuse de qui connaît ses racines et les chérit. Tous deux se complétaient, se répondaient. Aimer Camille, espérer être aimé d'elle, c'était confirmer le lien fraternel en même temps que le bafouer.
Dans ce roman au charme cinématographique, temps et espace se mesurent à l'aune du point zéro de toute existence : le premier amour. Autour de ce centre de gravité de la révélation à soi tournoient les réminiscences, les évocations, les regrets qui lui sont associés et irriguent une vie. L'écriture, élégante et elliptique, accompagne le mouvement dansant de la mémoire quand elle se confie à l'attente.
Né en 1969 à Saigon, d'une mère vietnamienne et d'un père anglais, Sean Rose vit à Paris, journaliste littéraire et critique d'art, il a publié un premier roman en 2009 chez Denoël : Et nos amours.
Dans cette romance profonde et mélancolique, l'amour sème le trouble, car Camille, la «saturnienne», promise à Thibaut, vit une passion secrète avec le narrateur. Elle les aime tous les deux, mais ressent sa propre trahison comme insupportable : «Jules et Jim c'est du cinéma.»
On m'avait promis les brumes. Vous verrez c'est un pays très particulier, m'avait assuré le garçon de l'accueil, le brouillard se lève tous les matins et recouvre le sol. C'est à cause du Ciron, le taux d'humidité élevé produit le botrytis, un champignon qui fait moisir le raisin et donne la pourriture noble, sans quoi il n'y aurait pas de vin. Ce nectar à la robe dorée à vieil or, au nez d'abricot confit, d'orange amère et de cire d'abeille, selon le magazine d'oenologie qui traînait à l'hôtel. A dire vrai je m'y connais plus en ivresse qu'en vins. Et en fait de pourriture noble, hormis certains que j'ai pu croiser au cours de ma vie et dont le prétendu sang bleu ne rédimait pas la bassesse, je confesse l'ignorance. Me voilà au château de G. au rendez-vous que m'a donné Thibaut. Le gardien dit que M. de G. a dû oublier son portable et m'invite à l'attendre dans le jardin. Je m'installe sous une tonnelle fleurie. L'ombre est la bienvenue. Ciel bleu en pointillé.
C'est qu'il est déjà... oh, excusez-moi, je vous avais pris pour le fils de M. Thibaut. Je me retourne vers la femme grisonnante qui me dévisage, lui souris : Je n'ai pas tout à fait le même âge. Si mes calculs sont bons, l'aîné de Thibaut devrait être un tout jeune homme. Vous avez de la chance, c'est notre première journée de printemps, je vous apporte de quoi vous rafraîchir. J'aurais aimé voir le brouillard. Monsieur n'a pas été assez matinal, me répond la dame. Pour une fois que j'avais tout planifié - téléphoné la veille, levé aux aurores - il a fallu qu'il y ait une déviation à cause d'un accident. Thibaut aussi est en retard. Rien en vérité à côté de moi qui le suis... De plus de vingt ans. La veille de mon départ pour le Namdaï, il avait insisté pour me voir alors que je lui avais fait mes adieux quelques jours auparavant, j'avais accepté, je savais qu'il ne viendrait pas me rendre visite sous ces latitudes lointaines et moi que je ne rentrerais pas de sitôt.
Thibaut était homme de rites. Rites entre amis qui se découpent dans le papier à musique de conversations sans fin, rites familiaux qui s'enracinent dans la terre des ancêtres, immuable ronde des étés passés dans le Sud-Ouest et des vendanges auxquelles il s'efforçait de prendre part, fût-ce une semaine chaque automne. A Paris, au cours de nos études, il ne cessait de me parler de G., de ses vignes, de ses bois, de ses brumes. Moi, de tout ça, rien à foutre. La notion de terroir, de territoire, l'idée même de pays me procurait un abyssal ennui. Je ne cherchais qu'à me désaimanter de la pesanteur dont était frappée toute réalité sublunaire. Loi de la gravité selon laquelle les choses doivent tomber. Les cheveux, les dents, les illusions. Amère pomme de Newton... Mon indifférence à la nostalgie pathologique de Thibaut ne faisait sans doute que souligner a contrario mon besoin de consolation sans objet. Je suis né loin. Sous un autre ciel. Le travail de mon père l'avait conduit à l'étranger où il rencontra ma mère. (...)